vendredi 18 mai 2007

Pouvoir et espace publics

Exposé de Michel Guet, le 10 avril 2007 (Suite de « Penser la décroissance avec C.Castoriadis »)

Petit rappel pour ceux qui étaient absents lors de ce premier entretien (mardi 6 mars 07) : à travers l'œuvre de CC nous avons pu aborder un certain nombre de concepts qui nous seront fort utiles pour « penser » non seulement la décroissance, mais tout autant nos propres relations au sein de cette « assemblée des hommes » (CC) qu’est La Bisontine de Décroissance (ce qui n’est autre qu’expérimenter à échelle réduite « l’autonomos » castoriadien).

I) Cornélius CASTORIADIS (1922 - 1997)
Son parcours politique - critique de l’économie marchande - les outils de CC.
II) L’INSTITUTION
« Est institution tout ce qui est volontairement organisé par une société donnée » (J. Ellul) — a) l’institution (1) imaginaire (2) sociale (3) — b) hétéronomie/autonomie.
III) COMMENT AGIT ET OPERE L’INSTITUTION
L’institution première de la société est la société elle-même — Par le langage d’abord — Les structures, les catégories — L’institution produit le « sens » (les valeurs) pour tous. — « Institutions imaginaires sociales » = valeurs symboliques (Dieu, patrie, nation — Mode, vitesse, confort) — le « symbolique » (un pain / une hostie) —— L’institution produit La loi (le nomos) et le Pouvoir.
(nous n’avons traité que de la Loi ce mardi 6 mars)
IV) LA LOI
« Toute société institue à la fois son institution et la légitimation de celle-ci » — La première Loi est de dire que la loi est première.
a) L’Hétéronomos : La Loi vient d’ailleurs, elle est inquestionnable. (Les trois ruses de l’institution) — les trois dangers de l’hétéronomie.
b) L’Autonomos : « Se donner à soi-même ses propres lois » « ...sachant qu’on le fait » — Naissance de la philosophie, de la démocratie, de la politique — L’autonomos : projet véritablement révolutionnaire pour Castoriadis.

Reste à traiter : LE(S) POUVOIR(S)
I) POUVOIRS
Nous traiterons de la question du pouvoir en deux grands chapitres : le pouvoir « en général » et le pouvoir « relatif ».
Dans le premier cas il s’agit de voir comment le pouvoir façonne la société dans sa globalité, nous nous attarderons ensuite sur un aspect du pouvoir que n’a pas développé CC : celui de sa matérialité, de ses traces et représentations, (nous emprunterons cette fois à Louis Marin) enfin nous traiterons des lieux sur lesquels tout pouvoir s’incarne, à savoir — selon moi — essentiellement l’espace public, monumental et ostentatoire (ce que je nomme l’Infini Saturé) et que je propose à la discussion.
Dans le deuxième cas « relativement » à cette petite « assemblée des hommes » qui nous formons ici et maintenant, laquelle a décidé de « s’instituer » dans ce cadre qu’est la décroissance, sachant que nous avons appris par l’entretien précédant qu’à chaque fois qu’il y a institution, il y a fatalement « pouvoir ». En effet, nous assembler pour délibérer correctement, pour nous donner à nous-mêmes nos propres lois, implique nécessairement de gérer consciemment une forme relative et interne de pouvoir. Il est de la plus haute importance que nous sachions cela, que nous agissions en pleine connaissance de cause.


II) DU POUVOIR EN GÉNÉRAL

a) Pourquoi y a-t-il du pouvoir ?
Parce que « toute société doit se conserver, se préserver, se défendre. Elle est constamment mise en cause d’abord par le déroulement du monde, l’inframonde tel qu’il est avant sa construction sociale. Elle est menacée par elle-même, par son propre imaginaire qui peut ressurgir et mettre en cause l’institution existante. Elle est aussi menacée par les transgressions individuelles (...). Elle est enfin menacée, jusqu’à nouvel ordre, par les autres sociétés. Aussi et surtout, chaque société est plongée dans une dimension temporelle immaîtrisable, un avenir qui est à faire, relativement auquel il y a non seulement des incertitudes énormes, mais des décisions qui doivent être prises. » CduL IV, p.160

b) Pouvoir intituant / pouvoir institué
CC distingue deux catégories de pouvoirs, un pouvoir instituant (jamais pleinement explicitable) et un pouvoir institué ou explicite.
Cette distinction n’étant pas très pertinente dans le cadre de cet exposé, nous n’insisterons pas ici (et pourrons développer ailleurs). Il suffit de retenir que le pouvoir instituant est le pouvoir déjà-là, celui que l’on trouve dès sa naissance dans la société telle qu’elle fut instituée avant soi.
CdL, III (1990), p.118-119, (c’est nous qui soulignons et commentons entre crochets) :
« Le versant social de ce processus [du pouvoir] est l’ensemble des institutions où baigne constamment l’être humain dès sa naissance, et en tout premier lieu l’autre social, (...) qui prend soin de lui en étant déjà lui-même socialisé d’une manière déterminée, et le langage que cet autre parle ».
[Castoriadis précise ici que cet « autre social » est « généralement mais non inéluctablement la mère »]
« Dans une vue plus abstraite, il s’agit de la ’’part’’ de toutes les institutions qui vise l’écolage, l’élevage, l’éducation des nouveaux venus — ce que les Grecs appelaient paideia : famille, classes d’âge, rites, école, coutumes et lois, etc. La validité effective des institutions est ainsi assurée d’abord et avant tout par le processus même moyennant lequel le petit monstre vagissant devient individu social. Il ne peut le devenir que pour autant qu’il les a intériorisées.
Si nous définissons comme pouvoir la capacité pour une instance quelconque (personnelle ou impersonnelle) d’amener quelqu’un (ou quelques-uns) à faire (ou ne pas faire) ce que laissé à lui-même, il n’aurait pas nécessairement fait (ou aurait peut-être fait), il est immédiat que le plus grand pouvoir concevable est celui de préformer quelqu’un de sorte que de lui-même il fasse ce qu’on voudrait qu’il fasse sans aucun besoin de domination (...) ou de pouvoir explicite pour l’amener à... Il est tout aussi immédiat que cela crée, pour le sujet assujetti à cette formation (...) l’apparence de la ’’spontanéité’’ la plus complète et la réalité de l’hétéronomie la plus totale possible » (...)
Quant au pouvoir institué, c’est celui auquel il faut avoir recours lorsque le premier a échoué : le pouvoir institué est fait pour ceux qui n’ayant pas correctement intériorisé les règles du déjà-là représentent une menace pour la société et le pouvoir instituant. En bref, ceux qui ne sont pas spontanément dociles...
Et CC poursuit (p.118) : « Relativement à ce pouvoir absolu, tout pouvoir explicite et toute domination sont déficients et témoignent d’un échec irrémédiable »
Cumulés, pouvoir instituant et pouvoir institué forment « l’infra-pouvoir ».
« Il reste que l’infra-pouvoir en question, le pouvoir instituant, est à la fois celui de l’imaginaire instituant, [celui] de la société instituée et de toute l’histoire [cumulée-vécue par cette société] qui y trouve son aboutissement passager. C’est donc, en un sens, le pouvoir du champ social-historique lui-même, le pouvoir d’outis, de Personne. » (p.119). « Cet infra pouvoir — manifestation et dimension du pouvoir instituant de l’imaginaire radical — n’est pas localisable. Il n’est certes jamais celui d’un individu ou même d’une instance désignables. Il est ’’exercé’’ par la société instituée, mais derrière celle-ci se tient la société instituante (...) » (p.118)
Castoriadis, pour s’en être tenu aux fondements ontologiques, à la question des origines du pouvoir, à sa théorie psycho-sociale, en un mot à ses principes, n’a pas exploré (ou n’a pas eu le temps d’explorer) ce que l’on pourrait appeler les « modalités pratiques », plus ou moins non-violentes, d’exercice et de propagation du pouvoir explicite, son « exercice », ses moyens, ses méthodes, en un mot sa matérialité (et nous ne saurions le lui reprocher !), or si le pouvoir est outis, est personne en particulier, ses effets, son « exercice » est lui — en revanche — parfaitement localisable, parfaitement nommable. La matérialité du pouvoir, en effet, passe sans y être totalement circonscrite, par ce qu’il est convenu de nommer les « représentations », cette matérialité conduit aussi à la problématique du « lieu » de la représentation, son théâtre, car tout cela ne tient pas tout seul en l’air, mais a bien lieu quelque part.
Avant d’aborder la représentation, et pour donner une image frappante nous pourrions dire que le pouvoir instituant est le bain dans lequel nous sommes immergés dès l’enfance ; ce bain est le monde, un monde où l’on n’a appris et ne sait prononcer que les quelques mots se rapportant à l’hygiène et la propreté et point d’autres. En ce cas la signification imaginaire sociale intériorisée, le pouvoir instituant déjà-là sera l’absolue nécessité de se laver, d’être propre et sentir bon, et le pouvoir explicite seront brosses, savons, parfums (la salle de bain elle-même) mais le pouvoir explicite sera également pour l’enfant récalcitrant la fessée ! ou, pour l’adolescent la certitude d’être dans l’impossibilité de séduire et de plaire s’il n’a pas accompli certaines tâches rituelles. Mais ce n’est pas tout, le dispositif ne serait pas complet s’il n’y avait les représentations matérialisées : une infinité d’images allant de « Suzanne au bain » à « Numéro Cinq de Chanel » renvoyant à une formidable batterie de significations imaginaires ou de valeurs sociales comme beauté, santé, séduction, luxe, élégance, etc. Le tout exposé en permanence à la vue (et l’ouie) sur l’espace public. C’est ce dont nous allons traiter à présent.
Certes, on peut toujours essayer de jeter le bébé avec l’eau du bain, hélas, en l’occurrence le bain est un océan d’où aucun continent n’émerge, le bain c’est le monde et nous n’en avons point d’autre de rechange, sauf à en inventer et faire surgir un autre...
Nous avons utilisé là en guise de métaphore une seule chaîne de signification : « hygiène-beauté », mais nous aurions pu faire de même avec vitesse, confort, tourisme, science, progrès, développement, croissance... Fondues ensembles, toutes ces valeurs forment un tout : la société contemporaine où nous sommes à la fois acteurs et spectateurs.


c) La représentation
Pour aborder cet aspect du pouvoir, de la représentation du pouvoir, — pléonasme dirait Louis Marin puisque « représentation et pouvoir sont de même nature » —, c’est à ce dernier que nous ferons appel (« Le portrait du roi » Minuit, 1981, pp. 9-11). Louis Marin, 1931-1992, philosophe, directeur d’études à l’EHESS, fut l’un des plus grands spécialistes des systèmes de représentation.
« Qu’est-ce que re-présenter sinon présenter à nouveau (dans la modalité du temps), ou à la place de... (dans celle de l’espace) » (...) « tel serait le premier effet de la représentation en général : faire comme si l’autre, l’absent, était ici et maintenant le même (...). Ce n’est certes pas le même, mais tout se passe comme si ce l’était et souvent mieux que le même. » [Louis Marin invoque comme exemple la représentation picturale ou photographique de l’absent, du mort.]
« Deuxième effet de la représentation (...) constituer un sujet par réflexion du dispositif représentatif » « La représentation reste ici dans l’élément du même qu’elle intensifie par redoublement. En ce sens, elle est sa réflexion et représenter sera toujours se présenter représentant quelque chose. » [Louis Marin prend ici le cas de l’homme qui présente son passeport à la frontière, non seulement il se présente lui-même mais encore il présente sa présence légitime par le signe ou le titre qui autorise ou permet.]
« Premier effet du dispositif représentatif, premier pouvoir de la représentation : effet et pouvoir de présence au lieu de l’absence et de la mort ; deuxième effet, deuxième pouvoir : effet de sujet, c’est-à-dire pouvoir d’institution, d’autorisation et de légitimation comme résultante du fonctionnement réfléchi du dispositif sur lui-même » (...) « autrement dit, si la représentation non seulement reproduit en fait, mais encore en droit les conditions qui rendent possible sa reproduction, alors on comprend l’intérêt du pouvoir à se l’approprier. Représentation et pouvoir sont de même nature. »

d) Le « dispositif »
Louis Marin emploie à de nombreuses reprises le mot « dispositif » relativement au pouvoir.
« Première relation : l’institution du pouvoir s’approprie la représentation comme sienne. Il se donne des représentations, il produit ses représentations de langage et d’image » (...) « Deuxième relation : la représentation, le dispositif de la représentation produit son pouvoir, il se produit comme pouvoir. » (p.9).
Ce terme « dispositif » a de quoi éveiller notre curiosité. Dispositif : « ensemble de moyens disposés conformément à un plan » (Robert). Il y aurait donc un plan ? Oui il y a un plan pour le pouvoir ; nous savons que le pouvoir doit durer, il doit se perpétrer et pour cela s’inscrire dans les esprits, dans la psyché, mais il doit s’inscrire aussi dans l’espace, au sol, et ceci d’une certaine façon dans le but d’être vu ostensiblement.
Louis Marin : «  la représentation, [non seulement] signifie la force dans le discours de la loi, [mais encore,] la représentation met la force en signes (...), signes de la force qui n’ont besoin que d’être vus pour que la force soit crue », in Le portrait du roi, Minuit, 1981, p.11. [C’est l’auteur qui souligne]
Il nous faut à présent abandonner la théorie du pouvoir pour la pratique du pouvoir et entrer dans la description du « dispositif » invoqué par LM, sa matérialité qui est aussi pouvoir en elle-même et par elle-même. Pour savoir comment le pouvoir institué s’incarne dans les représentations et se les approprie, comment le dispositif de représentation symbolique devient lui-même pouvoir, il nous faut chercher le lieu de tout cela. Car, qu’il s’agisse d’institution, qu’il s’agisse d’incarnation, qu’il s’agisse de représentation, tout cela qui sert le pouvoir, qui est pouvoir, a bien forme et figure, a bien lieu. Quel est donc ce lieu ?


III) ESPACES PUBLICS

a) Le lieu du pouvoir
Assurément un tel lieu ne peut être que visible de tous, appartenir à tous et à personne en particulier, c’est lui qui montre et est montré, c’est lui qui est sens et fait sens, qui institue en étant collectivement institué selon les thèses de Cornélius Castoriadis. Quel est donc ce lieu qui est le ciment, le vivre-ensemble de toute société et en contient toutes les valeurs symboliques ? Qui emporte la croyance en sorte qu’elle soit intériorisée par tous, au besoin la fait obligatoire par la force ou le droit, (nous le verrons) ? Qui porte la matérialité et l’incarnation du pouvoir et ses hiérarchies par des représentations symboliques, lesquelles à leur tour se produisent elles-mêmes comme pouvoir ?
Ce lieu existe, il a un nom et fut parfaitement institué, il se nomme l’espace public et c’est bien entre l’Athènes chère à Castoriadis et la Rome impériale qu’il fut institué pour la première fois dans le droit écrit : « Toute société institue à la fois son institution et la ‘‘légitimation’’ de celle-ci » (C. Castoriadis, CduL,VI. p.67) et si « instituer, c’est faire advenir à l’univers juridique » (Martine Rémond-Gouilloud, in L’homme, la nature et le droit (collectif), Bourgois, 1988, p.203), nous allons en effet trouver dans le droit l’existence légitime de cet espace public.

b) Lieu et légitimité
Selon le droit romain, toute les choses (res en latin) du monde étaient classées en trois catégories (nous simplifions ; voir sur ces questions Paul Frédéric Girard : Manuel élémentaire de droit romain, Paris Rousseau, 1918)
— les res propria, biens qui appartiennent en propre à quelqu’un,
— les res nullius (ou res communes), biens sans maître mais dont on peut user sans abuser, choses et fruits de la nature, air, eau, vent, etc. réputés à l’époque inépuisables.
— enfin, les res publicae, biens sans maître, mais essentiels au bon fonctionnement de la cité, institués, bâtis, établis à l’usage du peuple comme institution, pour son édification et en principe, placés sous son administration.

c) Res publicae
À l’évidence c’est la res publicae qui contient ce que nous cherchons, (notons au passage la fortune étymologique de cette locution, laquelle conduira à la formation du mot République). C’est sous cette catégorie du droit que les anciens classaient effectivement les éléments constitutifs de ce que nous nommons l’espace public, soit en clair : le pouvoir et son « dispositif ». Et ceci inclut l’ensemble des institutions matérialisées qui y contribuent, ainsi que tout l’appareil symbolique propre au pouvoir, son cérémoniel, ses représentations monumentales ou ritualisées, en un mot le dispositif évoqué par Louis Marin. Lieu institué collectivement, l’espace public est bien ce lieu visible de tous, qui appartient à tous et à personne en particulier, qui montre et est montré pour contenir toutes les valeurs symboliques, qui donc est sens et fait sens. Et si l’espace public est institué pour montrer le pouvoir, il montrera effectivement la loi gravée dans le marbre, nous en voulons pour exemple le Code Hammourabi, roi de Babylone, gravé sur une stèle de basalte vers 1780 avant J.-C. (découvert en 1902, ce monument est aujourd’hui au Louvre). Autre exemple fameux : les « XII tables » à l’origine du droit romain ; elles eurent moins de chance que le Code Hammourabi, rédigées vers 451/449 avant J.-C. (Ellul, 275), fondues dans le bronze — selon la tradition — et exposées à Rome sur le forum elles furent détruites ou emportées par les Gaulois lors du sac de la ville vers 390 av.J.-C. (Ellul, 263). Enfin et pour enfoncer le clou, je rappelle à votre mémoire l’article 124 et dernier de la Constitution de 1793 l’An I de la République : « La déclaration des Droits [de l’Homme et du Citoyen] et l’acte constitutionnel sont gravés sur des tables au sein du Corps législatif et dans les places publiques ».
Ainsi, de même que nous avons vu cette tautologie : La première Loi est de dire que la loi est première, nous en trouvons la contrepartie concernant l’espace public res publica : la loi fonde l’espace public qui fonde la loi à son tour, (la loi institue l’espace public, — le crée comme res publica, — comme catégorie majeure afin que ce dernier, à son tour, affichât ostensiblement la loi).
On ne plaisante pas avec la « publicité », prise dans son sens littéral : caractère de ce qui est public. Du reste, pour ceux qui ont l’intention de se marier bientôt, il est toujours obligatoire de publier les bans au moins quinze jours avant la cérémonie !

d) Trois Espaces publics
Bien sûr, cet espace public a évolué au fil des siècle, il s’est étendu à des « espaces » impensables aux hommes anciens. Nous pouvons en effet découper l’espace public en trois entités distinctes et superposées qui chacune apparaissent à un moment de notre histoire. Aucune d’entre elles ne vient remplacer l’autre mais le tout s’amplifie au contraire, ce qui revient à dire en somme, qu’à travers les différents états successifs de l’espace public le pouvoir s’est étendu. L’histoire de l’espace public se décompose donc, selon nous, en trois déploiements successifs : un premier espace public « tangible » auquel se superposera d’abord un espace public « papier », puis un espace public « écran ».
— L’espace public tangible. Nous retiendrons comme premier état de l’espace public celui où parviennent les sociétés dès lors qu’elles se sédentarisent tout en pratiquant l’élevage, la domestication et l’agriculture, soit le néolithique. Du néolithique jusqu’à l’invention de l’imprimerie dès la Renaissance, on peut considérer l’espace public comme unique : il est seul et n’est doublé d’aucun autre. Essentiellement traduit et matérialisé en volume, en relief, en dur, nous le nommons espace public tangible ; nous l’avons toujours sous nos yeux, augmenté de ce que les différentes époques historiques, leurs valeurs symboliques et leurs moyens techniques successifs y ont ajouté. Du point de vue de sa substance — de sa traduction physique —, cet espace public tangible, en relief, bâti, construit, et dont le monument est l’archétype, illustre et matérialise les valeurs symboliques qui assurent la cohésion de la société considérée, mais aussi les pouvoirs qui y réalisent là leur pleine puissance, que ce soit par la soumission volontaire ou la contrainte, par la croyance intériorisée ou l’étonnement provoqué. Cet espace public tangible se caractérise donc, principalement, par le « monumental ostentatoire ». Donnons quelques exemples du monumental en mélangeant ancien et moderne : temples, palais, statues des dieux ou des héros, arcs de triomphe, colonnades, cité, citadelle, remparts, fortins et casernes de même que tribunaux et palais de justice, cathédrales, arènes, stades, gymnases, théâtres, mairies, hôtels de ville, préfectures, conseils généraux, régionaux, sièges de grandes entreprises, de banques, de compagnies d’assurances, d’institutions internationales politiques ou culturelles, ONU, UNESCO, musées, fondations, ajoutons les monuments du génie civil : tour Eiffel, viaducs (de Millau), ponts, ports, gares, aéroports et autres technopoles et « nœuds intermodaux ».  Tout cela est sur l’espace public, est édifié pour édifier. Nous évoquons là le bâti, mais le non-bâti lui-même peut être espace public tangible, d’une certaine façon « monumental » et chargé d’une forte symbolique par simple agencement perspectif de l’espace : pour Paris, le Champs de Mars menant à la tour Eiffel, les Champs-Élysées menant à l’arc de triomphe, ainsi chaque capitale aura sa Perspective Nevski.
— L’espace public papier. Il faut attendre l’arrivée de l’imprimerie et de la gravure (1450) pour voir surgir et se déployer, dans les quelques siècles qui suivirent cette remarquable invention, un second espace public — virtuel, fait de papier couvert de signes —, qui vient doubler le premier de façon suffisamment significative pour entraîner de profonds changements politiques et sociaux. Ce second espace que matérialisent livres et gravures abondamment multipliés est bien un nouvel espace public (nous renvoyons sur ce sujet au livre magistral de Jürgen Habermas : L’espace public, Payot, 1993) ; accessible à tous, il permet comme le premier, tangible, la mise en commun des valeurs symboliques nouvellement créées ainsi que de leurs représentations. Les conditions à réunir pour que ce changement s’opère furent d’ordre culturel autant qu’économique. Au point de vue culturel, ces changements ne purent trouver un terreau qu’à la condition qu’il soit fertile d’un nombre suffisant d’individualités se dégageant du commun par la puissance de la pensée et le besoin de savoir, d’auteurs et de lecteurs ; en tout cas d’individus pensant et se pensant, ayant d’une certaine façon conquis l’autonomos de la raison (ainsi que Castoriadis a pu le dire de l’Athènes démocratique). Enfin, c’est au cours de cette période qu’émerge un véritable pouvoir économique capable de rivaliser puis de supplanter les deux plus anciens (sacrum et imperium), il se manifeste par l’émergence de la puissance financière et industrielle à travers la bourgeoisie (banque, propriété foncière, manufactures, négoce). Ainsi donc, l’avènement du pouvoir économique, se fit simultanément à ce qu’il est convenu de nommer le pouvoir de l’opinion et de la raison, qui se formera en trois siècles : de l’invention de l’imprimerie jusqu’aux révolutions politiques et économiques de la fin du XVIIIe, en Europe et aux États-Unis. Ce qui le caractérise sera l’émergence de la bourgeoisie et plus largement d’une « société civile » porteuse d’une opinion capable de s’opposer d’abord au pouvoir religieux et politique, puis plus tard au pouvoir économique.
— Enfin, l’espace public écran. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que commence à se déployer le dernier-né des espaces publics, issu de l’enchaînement technique photographie-cinéma-télévision, c’est l’espace public virtuel « écran » auquel viendra s’adjoindre l’ordinateur, l’Internet et leurs dérivés. Comme pour le second espace public de papier il est virtuel, mais ici, la puissance économique décuplée sera totalement déterminante quant aux avancées et aux choix techniques réalisés afin que l’espace public écran impose définitivement sa domination sur les deux premiers. À l’instar des deux espaces publics précédents, il en possède les vertus : mise en commun des valeurs symboliques nouvellement créées ainsi que de leurs représentations établissant le pouvoir. Cet espace public de l’écran est constitué exclusivement d’un flux constant, permanent et mondialement répandu. Ayant réalisé techniquement la synthèse de l’image, du mouvement, de la parole, du son et musique, en une seule médiation purement visuelle, c’est l’omniprésence du visuel et sa consommation massive et passive qui le caractérise, ce pourquoi il n’est même plus nécessaire d’y posséder parfaitement les codes de la lecture (contrairement au précédent), et il s’accommode fort bien d’un certain niveau d’illettrisme.

e) Durée et visibilité, le renversement
L’espace public sous ses trois formes est le lieu du pouvoir, pour autant, la pleine légitimité ne lui sera acquise que s’il dure sur l’espace public, d’une part et d’autre part, que s’il s’y voit, ce que nous traduisons par le monumental et l’ostentatoire.
Le monumental sera la constante temps et durée.
Aloïs Riegl : « par monument, au sens le plus ancien et véritablement originel du terme, on entend une œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou telle destinée », Le culte moderne des monuments [1903], Seuil, 1984, p.35.
L’ostentatoire sera la constante visibilité et publicité (caractère de ce qui est public).
Carl Schmitt : « La lutte pour la représentation est toujours une lutte pour le pouvoir politique » or « il n’y a de représentation que s’il y a publicité » in Verfassungslehre, Berlin, 1957, 3°éd. p.212, [cité par Julien Freund in « L’essence du politique », Paris, Sirey, 1965, p.331 et 329].
Ainsi le pouvoir pour tenir debout, pour avoir une matérialité sur l’espace public, s’appuie sur ces deux piliers que sont la durée (temps) et la visibilité (espace), chacun multipliant les effets de l’autre. Sa légitimité, outre le droit, ne s’instituant pleinement que par ces deux voies, or seul l’espace public garantit durée et visibilité. Ainsi, lorsqu’une quelconque valeur symbolique — quelle qu’elle soit — devient ostentatoire sur l’espace public, elle participe du pouvoir : l’homme pour ces valeurs auxquelles il croit profondément peut aller jusqu’à sacrifier ou offrir sa vie, ses biens et les siens : honneur, église, démocratie, patrie, nation, etc.
Mais par un renversement extraordinaire il se trouve que des « valeurs » d’une autre espèce et des plus triviales soient promues à leur tour sur l’espace-public-pouvoir : confort, mode, vitesse, progrès, développement, croissance... C’est ici que s’opère le renversement : si les deux composantes des pouvoirs matérialisés — durée et visibilité —, furent en équilibre relatif sur les espaces publics « tangible » et « papier » pour construire les pouvoirs au travers des institutions, il n’en va pas de même sur le dernier-né des espaces publics, celui de l’écran.

f) Faire écran
En effet, ce dernier opère — par la toute-puissance économique et financière entraînant une maîtrise scientifique et technique encore inconnue —, un renversement quant à l’essence du pouvoir et, partant, de toute légitimité sur l’espace public. Là où autrefois il fallait concilier durée (temps) et visibilité (espace) pour s’affirmer comme pouvoir au travers les institutions, il suffira désormais à la puissance économique de construire de toutes pièces et rapidement, — c’est-à-dire sans le concours du temps —, un espace public fait de pure médiation visuelle, pour accéder au pouvoir et faire passer pour légitime ce qui ne l’était pas, c’est-à-dire ses propres valeurs, celles de l’économie comme fin en soi. Le temps lui-même, comme durée, comme écoulement, reste impossible à manipuler, à acheter, par contre l’espace visible, est plus vénal ; il suffira donc à la puissance de l’argent de fabriquer ce nouvel espace public, que nous nommons « écran », à sa mesure et dans le même temps d’acheter, envahir ou corrompre tous les espaces publics déjà-là (tangible et papier) pour asseoir définitivement sa légitimité et devenir pouvoir absolu. Ce renversement est total (et totalitaire) en ce que — outre l’espace écran, son pur produit — se trouvent ainsi corrompus l’espace public premier et tangible mais également l’espace public papier. Quant à l’espace privé, s’il était autrefois un rempart et peu ou prou un refuge contre les pouvoirs, c’est aujourd’hui se distinguer que de posséder chez soi, en s’endettant, le plus d’écrans et les plus grands.


IV) L’Infini Saturé

a) arraisonnement de l’espace public
Nous nommons Infini Saturé l’arraisonnement de la totalité des espaces publics par le pouvoir — devenu unique — de l’économie mondialisée ; ce qui confirme au mieux sa parfaite réalisation est l’arraisonnent, dans le même mouvement, de tout espace privé. Comment l’économie est-elle devenue un pouvoir unique ? La raison économique comme valeur centrale des sociétés occidentales est un phénomène récent, qui n’a pas plus de cinq siècles. Cette période fut employée à faire converger, principalement sur la vieille Europe colonialiste, les richesses planétaires, tant comme stock (matières premières, énergies fossiles) que comme flux (force de travail par l’esclavage, le sous-salariat, la prolétarisation). En outre, les richesses ne furent pas seulement employées à être consommées sur-le-champ, mais par le truchement des sciences et techniques elles furent utilisées à fabriquer de nouvelles richesses et nouveaux biens ; plus encore, comme l’avait déjà vu Marx, à produire celui à qui elles étaient destinées : le client, avec comme valeurs centrales progrès et technique ainsi que leurs dérivés plus triviaux : le développement, l’emploi, la consommation, la nouveauté, la mode, etc. La production du client fut la tâche que s’assigna l’espace public écran et sa réalisation achevée est l’Infini Saturé.
Le pouvoir de l’opinion, né de l’espace public papier a pu s’opposer (un temps) aux trois autres, religieux, politique, économique — lesquels y répondirent par toutes sortes de dispositions et manœuvres : interdictions, lois et décrets, de la mise à l’index à la répression armée en passant par la censure et la corruption —, mais le pouvoir économique, depuis la naissance des banques, des billets à ordre, de la monnaie de papier, du crédit, ne cessera de grandir et de s’imposer au fil des siècles ; se rendant indispensable à tous, il l’emporte finalement sur tous les pouvoirs et plus gravement sur la raison et le pouvoir d’opinion.
Alors que le premier espace public tangible tenta d’édifier, le second, de papier, se risqua à éduquer ; quant au troisième, par l’écran il parvient à divertir. L’arraisonnement sera réalisé dès lors que les deux premiers espaces publics auront été annexés et se seront soumis au principe du troisième : édifier en divertissant, éduquer en divertissant. En outre le troisième espace public possède sur les deux autres l’absolue supériorité de pénétrer efficacement l’ensemble des espaces privés sans qu’il soit fait appel au vouloir, mais à la simple passivité, qui plus est : divertissante. Nous sommes ainsi spoliés de notre espace privé et de notre espace public — res publica — propriété commune, fondement de la République, qui véhiculait une grande diversité de valeurs, de croyances et de savoirs, s’opposant les uns les autres, au profit d’un espace public dont les trois formes sont arraisonnées par l’unique pouvoir économique nous imposant les seules valeurs, croyances et savoirs qui lui sont favorables.

b) le ravissement
C’est là proprement le « ravissement », le rapt du savoir et du croire, des consciences et du désir dans l’heureux et perpétuel enchantement. S’exposer au pouvoir, se manifestant sur l’espace public tangible et premier, demandait un effort, demandait une participation : il fallait quitter son espace privé pour s’y soumettre ; l’espace virtuel papier impliquait, lui, discernement et choix individuels, et de plus la possession de codes comme la lecture, ainsi que plus ou moins la faculté de raisonner. Inversement, l’Infini Saturé ne demande ni effort, ni participation active, ni discernement, ni raisonnement. S’il exige de nous un effort c’est celui qu’il faut déployer pour lui échapper. « Il ne reste plus, selon Serge Latouche, (Le pari de la décroissance, Fayard, 2006, p.209 et 276) que la possibilité d’entrer en dissidence ». Mais comment entrer en dissidence alors que le ravissement est double : une première fois parce qu’il a capté toutes les valeurs ; une seconde fois en ce qu’il nous captive par la séduction et l’apparente innocence du divertissement ?

c) L’autonomos
L’espace public, s’il n’est pas une cause première au sens des philosophes, l’est sur le terrain des valeurs qui déterminent nos comportements collectifs, son arraisonnement nous permet d’expliquer — non d’excuser — bon nombre d’aveuglements, illusions et aberrations touchant à nos sociétés et à leurs égarements. Sous ses trois formes, il est celui qui montre, qui enseigne à tous et qui enseigne à celui qui enseigne. Il est bien peu de choses que nous sachions, auxquelles nous croyons, que nous enseignons, qui ne viennent pas de lui (quand bien même les pensons-nous nôtres et issues de l’espace privé). C’est à des questions telles que « pourquoi nous est-il impossible de changer de cap ? », « pourquoi ne maîtrisons-nous pas la technique » (ou le progrès, le développement, la croissance, etc.), ou bien « comment savons-nous ce que nous savons ? », (ou croyons-nous ce que nous croyons) que répond la notion d’Infini Saturé. C’est l’Infini Saturé Grand Professeur, infini parce rien ne peut entraver le développement ni borner les limites du virtuel ; saturé pour être une sorte de bouteille molle qui n’est emplie que de ce que l’économie marchande y met et grand professeur parce que sous son règne, le pouvoir économique ayant arraisonné tous les espaces publics devient, dès lors, maître de la visibilité, de l’ostentatoire, de la publicité, maître du croire, du savoir, mais encore du désir. Où que nos yeux se posent, quoi que nos oreilles entendent et nos mains saisissent, c’est lui qui impose les valeurs — ses valeurs —, au détriment de toutes les autres. Quid, en ce cas, de la « visibilité » dès lors qu’acquérir une visibilité sur l’espace public au siècle de l’Infini Saturé ne sera possible qu’à la condition que nous puissions nous hausser à la puissance de ses nouveaux producteurs ; y parviendrions-nous que nous n’aurions fait que nous soumettre aux règles que ces nouveaux producteurs ont édictées ; un exemple à méditer sera celui de l’hélicologiste Nicolas Hulot, pur produit médiatique.
Je n’ai certes pas cherché à désespérer pas plus qu’à faire espérer. Mon intention était de désigner clairement l’adversaire, non point de le dire invincible. Mais il est certain qu’ignorer ou encore sous-estimer la puissance de l’Infini Saturé conduirait à l’échec. Des interstices existent encore sur l’Infini Saturé, à nous de les occuper, de les multiplier, de recréer un espace public vrai — res publica — libre et non affermé, garantissant seul la circulation de tous les savoirs. Collectivement, efforçons-nous de (re)créer les conditions de l’autonomos cher à Castoriadis, « les hommes assemblés se donnant à eux-mêmes leurs propres lois... », « sachant qu’ils le font », ajoutait-il, (si le philosophe était encore en vie il nous démontrerait assurément que nous avons régressé dans l’hétéronomos pré-athénien) ; efforçons-nous donc de recréer les conditions de l’assemblée des hommes, ce sont aussi celles du vivre-ensemble.

V) CONCLUSION : Laver le pont du bateau qui coule ?
Pourquoi ai-je insisté pour vous infliger cette corvée qui a consisté pendant quelques heures à en passer par toutes ces choses compliquées ? (Entre nous, je vous remercie de m’avoir permis de le faire et de votre attention !) Et si ces choses sont compliquées, ce n’est pas de mon vouloir, je les ai trouvées telles et même encore plus compliquées, mon seul mérite et quelque part mon risque a été de les avoir simplifiées à l’extrême. Ma question première à été : faut-il laver le pont du bateau qui coule ? Autrement dit, avant de parler de décroissance ne fallait-il pas se questionner sérieusement sur ce qui nous a conduit au bord du gouffre ?
La plupart des réponses généralement invoquées sont : la croissance, le progrès, le capitalisme, l’économie folle, etc., mais en ce cas qu’est-ce qui fait croître la croissance ? progresser le progrès ? qu’est-ce qui rend fou le capitalisme et l’économie ?
J’ai donc cherché à vous montrer combien ces réponses sont hétéronomiques et qu’il fallait remonter plus haut en amont où se trouvent ces choses si compliquées touchant aux valeurs symboliques, aux pouvoirs et à leurs représentations.
Que faire à présent pour nous protéger de ces pouvoirs ? Dans un premier temps il fallait que la carte en soit dressée, que la généalogie en soit établie, bien sûr, — nous pouvons toujours discuter de cela et l’améliorer ensemble, ce serait souhaitable — ; mais quoi qu’il en soit, une conférence ne sera jamais qu’une conférence, pour aller plus loin il faudra entreprendre un véritable travail collectif de « décolonisation de l’imaginaire », c’est le mot de Castoriadis et Serge Latouche en a fait le titre d’un de ses livres. Au niveau de colonisation où en sont nos imaginaires, c’est effectivement un véritable travail qui doit être entrepris collectivement et cela beaucoup d’entre nous n’en aurons ni le temps ni la volonté, ce qui se conçoit. Outre cela, ceux qui décideront de l’entreprendre ne devront pas se couper de ceux qui sont simplement curieux de la chose, c’est donc — probablement — vers une succession de cercles concentriques et poreux qu’il faudra se diriger.
Un second aspect de la tâche à entreprendre sera : quelle est la forme de pouvoir, de « nomos » que nous entendons nous donner au sein de cette « assemblée des hommes », pour aborder le problème de la décroissance (en clair comment gérer consciemment cette forme relative et interne de pouvoir que créée tout institution), c’est le pouvoir relatif que j’évoquais au début de cet entretien.

Aucun commentaire: